Moins cher qu'un psy .... mon blog

Etrange, quand je suis là, à remettre les murs à neuf ... je fredonne toujours la même chose ... Comment ne pas perdre la tête ... perdue dans des bras audacieux ... Et je la revois sourire ...

Elle me manque. Je me demande ce qu'elle pense de ce qui se passe ici bas depuis qu'elle est partie.

Je me demande aussi quand j'aurai le courage d'aller sur sa tombe ... je reporte l'épreuve depuis exactement 3 mois et je vais encore la reporter ....

Sans m'en rendre compte, j'ai acheté une carte postale pour elle ... Comment ai-je pu penser qu'elle était toujours là ? Peut-être parce qu'elle est plus près que je ne le pense ?

3 heures après mon dernier message elle est partie ...

Elle me manque... Deux semaines …

Les larmes se font plus rares …

Pas beaucoup de rires depuis …

Vider sa maison, se partager ses bibelots, ses bijoux …

C’est con mais j’ai gardé une liste de courses …

Hier, en regardant la pelouse de son jardin, j’ai pleuré …

Depuis vendredi après-midi, on ne peut plus lui donner ni à boire, ni à manger. On peut juste lui humidier la bouche avec des quartiers d'orange congelés... cela me semble si barbare ...

Depuis hier, elle est sous oxygène et avec le cocktail morphine et valium , on est maintenant sur qu'elle n'aura plus de moments 'lucides'.

Je suis à bout, fatiguée, épuisée nerveusement ... des semaines à sursauter au moindre coup de téléphone, à ne pas beaucoup dormir, ...

Le médecin y retourne tous les jours .... encore quelques jours nous a-t-il dit ...

Mardi elle souriait et chuchotait encore ... mais depuis hier, elle est dans le coma ... elle nous entend toujours disent les médecins. C'était le seul jour où je n'allais pas aller la voir mais à entendre les mauvaises nouvelles ... je n'aurais pas pu rentrer chez moi sans y passer ... à 21h30 la maison de soin est plongée dans un silence pesant ... plus je m'approche de sa chambre, plus la boule que j'ai dans la gorge grossit ... j'entre ... elle est aussi pâle que ses draps et respire difficilement. Je reste une demi-heure près d'elle ... je n'aurais pas pu rester plus ... la boule dans ma gorge veut sortir et je ne veux pas que ce soit là, devant elle, devant ma tante qui va passer la nuit à son chevet. Son visage était complètement détendu et paisible ... elle ne se rend plus compte de rien ... et même si je suis triste, elle est bien mieux ...

Avant-hier soir nous avons soupé toutes les deux ... je me sentais bien près d'elle, j'ai attendu que l'infirmière du soir me demande gentillement de la laisser seule pour les soins pour m'en aller. Deux heures rien que toutes les deux, deux heures à rire, parler ... je suis sortie de la maison de soins le sourire aux lèvres ... j'en suis sûre maintenant : elle sait combien je tiens à elle !

Nous en avons tous discuté hier, et le médecin commence dès aujourd'hui à augmenter les dosages de morphine ... parce qu' "il ne faut pas traîner " comme il dit ...

Elle était en forme hier soir .... je ne dois pas me focaliser là-dessus, parce qu'en l'appellant ce midi, j'ai à nouveau entendu la douleur dans sa voix

Je vais souper près d'elle tout à l'heure.

Combien de temps vais-je encore pouvoir lui parler ? Combien de temps restera-t-elle dans ce 'semi-coma' avant de partir ?

Hier elle m'a demandé si j'étais heureuse ... je lui ai répondu oui ...

Longtemps sans venir vomir ici ...

Hier, elle n'a pas quitté son lit. Le médecin augmente encore la dose de morphine. Même les infirmières ont du mal à ne pas pleurer en la voyant souffrir pendant la toilette. Elle ne mange plus, les 'soupers-crasses' que je lui amène ne lui font même plus envie. La moelle épinière est touchée, elle ne peut plus bouger la jambe gauche. Et dire que les médecins espéraient la voir partir avant d'en arriver LA ! Elle me demande pourquoi le ciel la laisse là alors qu'elle ne sert plus à rien, elle me demande s'il l'a oubliée.

Et quand ses souffrances seront finies, la mienne commencera ...

On dit la roue tourne mais pour le moment, j'ai à nouveau la tête en bas ...

Rendez-vous pris lundi prochain chez la psy ... pourvu qu'elle ne me renvoie pas à mon état de ficus xanaxien ... à choisir je préfère encore pleurer tous les quarts d'heure !

J'y retourne toutes les 48 heures... ce qui n'est pas bon signe ! Les patches de morphine s'accumulent dans son dos et les tartines, elles, s'accumulent dans l'assiette sans qu'elle n'y touche. Hier, elle voulait manger un filet américain-frites ... j'ai promis de lui en apporter un vendredi soir. Jamais je n'aurais cru faire plaisir à quelqu'un avec ça et pourtant ...

Elle perd du poids et me questionne ... 'Tu ne trouves pas que mes bras sont tout fins ? Jeanne, tu sais celle de 94 ans ... elle est plus grosse que moi maintenant !', et puis surtout, elle est fort silencieuse par moment ... et je n'aime pas ça le silence, son silence ... il va bientôt durer si longtemps ...

Elle a soufflé ses 84 bougies samedi. Nous avions tous envie d'être près d'elle, de lui dire combien on l'aime ...

Les infirmières l'appelle "la dame aux visites", c'est peu dire si nous sommes présents !

Drôle de sensation tout de même, tous rassemblés pour un moment de fête mais tristes ... c'étaient ses dernières bougies... le discours des médecins est limpide, elle a du temps devant elle, mais certainement pas une année !

Et comme à mon habitude, je suis assise tout à côté pour qu'elle accroche ma main, comme j'accrochais la sienne en apprenant à marcher ...

Où peut-on trouver de la 'confiance en soi' ?

Comment tuer des 'papillons dans le ventre' ?

Où trouver 'le courage' ?

Comment s'en sortir ?

Et bien, hier, c'est un petit moment de bonheur qu'elle m'a offert ... entre des blagues pipi-caca, des dictons wallons vulgaires et des chansons de guindailles, elle riait !

Pour mes 20 ans, elle m'avait chanté une jolie chanson que je lui ai rechantée hier ... les yeux bordés de larmes mais le sourire aux lèvres ... elle chante avec moi ... Elle me raconte son enfance, sa rencontre avec mon grand-père, la guerre, la déportation de mon grand-père, ... puis, me glisse un souhait dans l'histoire ... revoir la maison où elle est née ...

Je vais donc aller me ballader, appareil numérique à la main, dans les ruelles de son enfance et essayer de capturer pour elle quelques souvenirs ...

Dans quel état vais-je la trouver aujourd'hui ? Les yeux rouges d'avoir pleuré tout l'après-midi ? Endormie devant FR3 le volume au maximum ? Les yeux dans le vide son canard de café froid en main ?

Je quitterais bien mon bureau pour aller la voir maintenant, pour pouvoir rester plus longtemps près d'elle et être là pour faire ses tartines ou attacher son bavoir ... je peste d'être coincée ici à déverser mes pensées sur ce putain de clavier de merde.

Mes collègues me font chier avec leurs préoccupations -qui me semblent- si dérisoires, leurs soucis débiles auxquels ils attachent bien trop d'importance ... si ils savaient ...

Moi, je commence à comprendre ce qu'Horace voulait dire ... Cueilles aujourd'hui les fleurs de la vie car la mort est pressée ... et le frêle bouton d'aujourd'hui sera demain fâné ...

J'ETAIS une piètre jardinière ...

Comment soigne-t-on un vide intérieur ?

De quoi doit-on le remplir ?

Je suis sa confidente et j'ai peur de ne pas avoir le moral pour deux ... Elle pleure et m'avoue ses maux et je ne sais comment la réconforter ... j'essaie les sourires, les blagues, l'humour second degré mais quand la morphine est là, le moral s'en va et mes vaines tentatives n'ont de l'effet que sur les infirmières ...

Ma présence, mon oreille attentive, les chocolats, les boules de glace, des mots croisés, la télé ... j'essaie tout pour lui faire plaisir mais j'ai toujours l'impression que j'en fais pas encore assez ...

Je me sens si impuissante face à cette putain de maladie, je me sens si faible ...

Quelques semaines maintenant qu'un jour sur deux j'emplis mes narines de cette odeur d'hospital ... J'ai remarqué que quand on va rendre visite à l'hosto pour féciliter des heureux parents et faire de gros bisous au nouveau-né, cette odeur s'estompe ... on ne pense plus que d'autres gens, dans le même bâtiment souffrent le martyre.

Cette odeur je l'ai retrouvée, à l'étage des douleurs, celles que l'on ne guérit plus, celles qui attendent que la troisième Parque coupe le fil

Je la déteste cette odeur, je la déteste cette coupeuse de fil qui arrive après de longues heures de pleurs et de douleur, je les déteste là au-dessus pour toujours choisir les meilleures personnes en premier ... comme s'il en manquait là-bas ...

Pafrois je rêve de pouvoir changer les choses, ou de remonter le temps ... je me réveille vite !